NOBLES SOUFFRANCES
J'étais cracheuse de feu
Dans les sons et lumières
Je ne touchais pas terre
Cheveux roux
Lionne enflammée
Sous les bravos
J'exultais
Mais tu connais la chanson
La lionne est morte un soir
Je suis cracheuse de mots
Sans le son et dans l'ombre
Je ne touche pas terre
Fauteuil rou-
lant parfois rapide
Et je me shoote à l'oxygène.
Entre douce violence
Et tendre colère
J'avance
Je ne foule plus l'asphalte
Je m'asphyxie aux pots d'échappement
Echappatoire
Un supermarché
Pour de petits achats
Mais les marches sont là
Pas de passage à gué
Je reste aux aguets
Et les doigts du personnel
M'envoient un message essentiel
Leur index de droite à gauche
Me montre une vie trop moche
Pas d'accès handicapé
Et ma douce colère
Et ma tendre violence
Crachent mes maux par des mots
Que personne n'entend
C'es Noël et les gens
Préparent les cadeaux des proches
Moi j'ai dix euros en poche
Je voulais juste acheter
Des gants pour mes mains gelées
Chouchouter mes doits de patient
Impatients de chaleur
D'acrylique de synthétique
Tandis que talons et bas de soie
Me doublent
Leurs yeux maladroits
Me détaillent pas de très haut
Mais jusqu'en bas
Entre douce pitié
Et tendre grimace
On transforme l'escargot en limage
Il y a des regards assassins
Mais l'oeil pétillant des gamins
Me pousse vers demain
Fauteuil roulant
M'ouvre l'espace
Solide monture
Torture
Les trottoirs et les pieds des passants
Qui ne se poussent pas
Entre lièvre et tortue
Je choisis mes allures
Je fais du lèche vitrines
Je suis à la bonne hauteur
La limace bave sur le bonheur
Lenôtre étales ses pâtisseries
Devant mes yeux déconfits
Vaux mieux faire pitié qu'envie
Je me dis....